Esther ouvrit les yeux. Le soleil filtrait à travers les stores. C’était l’idée de Pacey. Elle aurait voulu se contenter de rester dans la confortable petite maison que ses parents lui avaient léguée. Mais non. Sa meilleure amie l’avait trainée quasiment de force à l’aéroport. La blondinette avait eu peur qu’elle l’emmène au Royaume Uni. Mais elle s’était contentée d’Hawaii. Les deux jeunes femmes avaient loué un petit bungalow, ou plus exactement, Pacey avait loué, sur une plage tranquille et un peu à l’écart. Il était en hauteur et à l’abri des palmiers. De la plage, on ne pouvait les voir quant elles avaient une vue dégagée sur l’océan turquoise à perte de vue. Mais Esther s’en fichait. Elle passait le plus clair de son temps à dormir, prétendant qu’elle était réellement épuisée, qu’elle ne s’était pas encore remise du décalage horaire. Le fait était qu’elle mentait à sa meilleure amie et elle en avait un peu honte. Cela faisait déjà trois semaines. Presque quatre que son petit amour était devenu ange. La simple pensée lui souleva le cœur et elle referma les yeux pour étouffer ses larmes. Lui aussi lui manquait, mais elle était incapable de le regarder sans se souvenir des petits coups dans son ventre rond. Il devait la détester pour cela, pour avoir laissé mourir leur enfant. Elle devait le protéger et n’avait pas réussi. Elle-même se détestait, alors pourquoi cela aurait été différent avec lui ? Et pourtant, que n’aurait elle pas donné pour se blottir dans ses bras protecteurs, à l’écouter lui murmurer des mots doux de son accent britannique qu’elle aimait tant ? La blondinette prit une grande inspiration et se redressa dans le lit. Il était 8h30 et il faisait déjà une chaleur torride. Sa nuisette de coton, bien que légère, était trempée de sueur. Elle comprenait mieux pourquoi son amie dormait en bikini. Elle se changea et attrapa l’un de ses maillots. Jetant un regard critique à ses formes beaucoup plus généreuses qu’à l’accoutumée. Elle n’avait pas encore perdu tous les kilos de sa grossesse et elle les voyait partout, mais plus spécialement dans sa poitrine qui rentrait tout juste dans le haut du maillot, et dans son ventre encore très légèrement arrondi. Esther y passa la main doucement. Il n’y avait plus rien, elle en avait douloureusement conscience mais c’était plus fort qu’elle. Elle espérait si souvent que ce n’était qu’un rêve de très mauvais gout…
Mais ce n’était pas le cas. Et Pacey, la meilleure de toutes les meilleures amies que l’univers ait jamais portées, avait pris la ferme décision de lui changer les idées. Sans ignorer que ce ne serait pas une mince affaire. Elle ne lui avait rien demandé quant à ce qui s’était passé. Esther l’avait seulement appelée de l’aéroport, en lui demandant de venir la chercher pour la déposer chez elle. Elle avait remarqué que son amie n’était plus enceinte mais n’avait pas posé la moindre question. Esther était tout juste capable de parler à ce moment là, ne réalisant qu’à peine. Elle n’avait même pas protesté pour venir ici, et pourtant, les dieux savaient qu’elle n’en avait pas la moindre envie. Mais Pacey faisait tout pour lui remonter le moral et Esther devait bien ça à son amie. Elle devrait, tôt ou tard, recommencer à vivre, même si pour l’instant, cela lui semblait tellement impossible. Elle attrapa une tunique en tricot aux mailles si énormes qu’elle ne cacherait sans doute pas ses rondeurs mais au moins lui donnerait l’illusion que c’était le cas. Elle sortit sur la petite terrasse en bois. Pacey était déjà attablée devant un petit déjeuner qui ressemblait plus à une boulangerie qu’au réel petit déjeuner de deux jeunes femmes. Esther devait avoir les yeux rouges mais son amie la voyait ainsi tout le temps depuis leur retour. Elle parvint pourtant à lui sourire. Finalement, elle avait faim. Plus qu’elle ne s’en serait crue capable. Il fallait dire aussi qu’elle était terriblement gourmande, et ces délicieux croissants lui faisaient de l’œil. Tout comme le pichet de lait frais. Elle s’installa en face de son amie, se servant un grand bol de lait et attrapant un croissant pour croquer dedans.

« Merci, Pacey… »

Devait elle dire plus ? Probablement, mais elle ne s’en sentait pas encore capable. Mais elle avait besoin de parler, de vider son sac, comme on dit. La personne idéale aurait été, en dehors d’un psy, sans doute le père de ce bébé. L’homme qu’elle aimait par-dessus tout. Cependant, elle ne pouvait pas. Il lui manquait, pourtant, parler avec lui de tout cela n’était tout bonnement pas concevable. Elle sentit les larmes lui piquer les yeux. Esther baissa la tête. Pacey devait, sans le moindre doute, l’entendre pleurer chaque soir depuis qu’elles étaient ici. Elle essayait de faire le moins de bruit possible, mais elle n’y parvenait pas toujours. Elle prit une grande inspiration, relevant la tête en regardant l’océan au loin.

« J’ai envie de me baigner aujourd’hui. Je ne devrais pas mais ça m’est égal… J’ai besoin de simplement penser à autre chose… »