J'AI SUT QUE MA VIE SERAIT NULLE QUAND J'AI COMPRIT QUE JE N'IRAIS JAMAIS A POUDLARD.

« Mademoiselle Winthrop ? Peut-on commencer l'interview ? » Je relève les yeux de mon cellulaire. D'ailleurs, je dépose celui-ci à côté de moi, sur l'espèce de grande table de chevet. Alors, mon regard se pose sur la femme en face de moi. Fausse blonde, teint faussement pâle, rouge à lèvre rouge écarlate, maquillage faussement naturel sur les paupières et petites lunettes de secrétaire. Vous devez savoir, madame, que si vous vous trompez sur le look que devrait arborer une journaliste de mode dans un magasine de plutôt grande envergure. Enfin, après tout, je m'en fiche, votre nom n'apparaîtra qu'en petit en bas de la page. Ce n'est pas vous dont les photos et les mots se trouveront sur la fameuse double page. Je lui souris. Franchement, si elle m'entendait penser. Ce serait étrangement hilarant. Je remonte mes jambes sur le fauteuil pour me mettre en tailleur. Généralement, les gens n'aiment pas que l'on pose nos pieds - nus, tout de même - sur les fauteuils datant probablement de la Renaissance - selon les décorations - mais bon, quand on est la fille de Winthrop, la grande créatrice haute couture, on peut tout se permettre. Mais détrompez-vous, je ne suis pas si hautaine que j'en ai l'air. Oh ! Mais, oui ! Je sais ! La journaliste en face de moi essaye peut-être de ressembler à Rita Skeeter. Et bien, c'est loupé. J'espère pour moi qu'elle ne se la jouera pas plume à papote pour transformer toutes mes paroles. « Allons-y. » Je lui lance ça joyeusement, histoire qu'elle pense que je suis contente d'être là.

Et bien, bonjour mademoiselle Marguerite-Coco Winthrop. Comment allez-vous ? Bonjour, madame, je vais très bien. C'est un plaisir d'être ici et de voir que je peux intéresser assez pour faire une double page. C'est un plaisir pour nous de vous recevoir ! Votre mère vous a donné de biens jolis prénoms, je vois ici que votre deuxième prénom est Gisèle. Oui, enfin. Gisèle, c'est pas vraiment mon prénom favori, hein. Cependant, Marguerite-Coco me convient, ça reflète nos origines françaises. D'ailleurs, vous savez pourquoi Coco ? Pour Chanel ? Exactement ! C'est intéressant ! Vous avez un style très différent de votre mère, vous appréciez ce qu'elle fait ? Bien sûr ! Ce n'est pas parce que je suis plus de ce sens là, que je n'apprécie pas son sens à elle. Ma mère est douée, sinon, elle n'aurait pas atteint ce sommet. Et pensez-vous que vous seriez mannequin si elle n'avait pas atteint ce sommet ? Je pense que oui. Le succès de ma mère m'a sûrement aidé, mais j'ai toujours souhaité devenir mannequin. Je ne suis pas là, uniquement parce que ma mère le veut, ni par piston. Mais je ne vais pas nier qu'il y a du favoritisme. Il y a certaines filles que j'admire énormément pour leur charme et leur personnalité qui méritent le succès et qui ne l'ont pas à cause de personne favorisée.

Je mens. Enfin, pas complètement. Je n'aime pas le mannequinat, je ne suis pas à l'aise devant les photographes, mais pour ma mère, je me dois de l'être. Parce qu'elle me le demande, parce qu'elle le mérite. Je lui indique où je suis née, à Londres. Je lui raconte ma vie, j'ai grandit en voyageant. Je suivais ma mère et sa gloire grandissante. Arrive les questions sur mon père. Je lui parle d'un père absent, qui travaillait tout le temps. J'évite de parler du père qui s'énervait pour un rien. Vous savez. Non, vous ne savez pas. Il m'envoyait dans ma chambre après m'avoir traîné par les cheveux. Je l'entendais déchirer les croquis, les tissus, je l'entendais crier. Et j'entendais ma mère pleurer, je ne l'entendais plus bouger, elle n'osait pas. Elle avait peur de ce qu'il pouvait faire. Puis, il a fait une erreur. Une toute petite. Il avait une faille. Et là, elle en a profité. Divorce. Libération. Enfin. Nous avons respiré. Il n'a pas eu ma garde, par chance. Rita, la journaliste, aborde maintenant le sujet des études. Je lui dis que je suis le lycée par correspondance, c'est cool. Elle me demande si je compte en faire. Et, là. Je me souviens de ma mère qui me demande de ne surtout pas parler de mon obsession pour les jeux vidéos, les bouquins et les films. Elle me demande quel cursus je veux faire. Je lui réponds que j'hésite encore, que je ne suis pas du tout certaine. Mais je mens. Je sais ce que je veux faire, je sais ce que je veux devenir. Puis le sujet tourne vite à ma vie privée.

Là où toutes les filles de mon âge commencent à sortir et découvrir les différents plaisirs. Moi, je découvre les miens avec mes limites. N'allez pas marquer que je suis une fille exemplaire, j'ai mes addictions et mes défauts. Mais, je ne fume pas, je ne bois pas. Et concernant le sexe ? Je peux sortir mon joker ? Je n'ai pas de copains, je n'en ai jamais vu l'intérêt. Vous attendez donc l'amour ? Haha. L'amour. C'est un sujet sur lequel je ne sais absolument rien. Mais on peut dire ça comme ça, ouais. Je l'attends sans l'attendre. Et vous avez déjà des idées sur qui pourrait être l'élu ? Pas vraiment, non. N'allez pas le crier sur tous les toits, hein. Mais on va pas dire que j'ai énormément d'amis. Les mannequins avec qui je suis en shooting de temps en temps. Mais j'aimerais en avoir, le problème étant que je dois suivre ma mère un peu partout, et avec le travail. Vous comprenez ? Oui, bien évidemment. Vous comptez vous poser pour l'université ? Je pense continuer à suivre des cours par correspondance. Je lis ici que vous avez quelques talents cachés... Faites-moi voir votre fiche ! Elle ne raconte que des bêtises ! Haha ! ... Non, c'est pas vraiment caché. Et ce n'est pas non plus un talent. Je sais dessiner. Mais c'est pas terrible. Si vous voulez je vous enverrais un croquis avant la publication ! Volontiers ! C'est adorable !

HARRY PETEUR ET LA CROUPE EN FEU.