sometimes when I close my eyes I pretend I'm alright
but it's never enough.

Le froid lui rongeait la peau. Insoutenable, incurable ; il tremblait, ne sachant plus par quelle rue bifurquer, à quelle porte sonner, à qui parler. La respiration saccadée, il fuyait l'ombre menaçante. Grassouillet, l'homme n'avait pas moyen de rattraper la silhouette fine et élancée de l'adolescent, il s'essoufflait trop vite, semblait presque avoir du mal à parler « Rends-moi ça, voleur ! » et ses joues rougies par la course effrénée, il s'arrêtait tout les 10 mètres. Des volets claquèrent, le regard de Maxxie cherchait endroit où se poser, ses jambes fléchissaient, il se glissa dans une sorte de trou, un endroit où l'on entendait des gouttes d'eau frapper le sol froid. Au fur et à mesure que les pas lourds et visiblement rapides se rapprochaient, sa respiration se faisait moins perceptible ... pour ne devenir qu'un bruit inaudible. Il voyait ses pieds, reculait, manquant d'attirer l'attention de l'homme vers son trou. Un faux pas et il ne donnerait pas cher de sa peau. Il lui sembla soudainement entendre d'autre chaussure, un pas cette fois-ci plus léger, moins lourd, presque féminin. Maxxie s'arrêta de respirer, serrant contre lui le collier doré, il ne bougeait plus, pas un cil. Des paroles incompréhensibles fendait le vent glacial, malgré les efforts déployés, le jeune garçon ne comprit pas un mot. La conversation semblait emplie d'une animosité certaine, son regard désempli devint brillant, une brise lui glaça l'échine, dressant les poils de sa nuque, électrifiant ses doigts. Plus un bruit ... puis une discrète détonation. Un bruit sourd, le corps graisseux de son poursuiveur tomba sur le sol, le regard vitreux. Sauvé ? Il laissa s'échapper un soupir qu'il pensait inaudible, la silhouette d'une femme se déplaça, pointant son arme fine d'où elle pensait provenir le bruit. Elle fit trois pas, recula, bouscula le corps du bout du pied, rangea son arme dans son dos et repartit avec souplesse et vélocité. Tout comme elle était arrivée. Maxxie ferma les yeux ... deux, puis trois, puis dix minutes. S'efforçant de reprendre un rythme cardiaque normal, il sauta hors du trou sombre, enjambant le corps, un sourire sadique sur le visage; bien fait pour lui. Et dans la nuit, il fila vers l'immeuble miteux où l'attendait sa ... "famille". D'un mouvement de tête, il remit ses boucles en place, prenant soin d'y repasser une main appliquée tout en glissant le bijou dorée dans la poche de son pantalon.

La grande porte, lourde et recouverte par le givre lui faisait face. Il prit une grande inspiration, baissa sa tête, le pas rapide. Sa main eut à peine besoin d'effleurer le bouton vert qu'il était dans l'ascenseur. Il l'avait senti le regard plein de questions de la concierge; il était habitué, elle aussi l'était. Chaque soir où il rentrait tard, elle s'enfonçait les écouteurs dans les deux oreilles et ouvrait sa mini-bible aux reliures dorées. Elle pensait "pauvre gosse". Lui pensait "oublie mon existence". Pas besoin d'aide, pas besoin d'une pitié forcée ou d'un regard bienveillant. À peine la porte fut-elle entrouverte qu'il se sentait tiré par le col de son polo et traîné dans l'appartement, au son des cris de son père. « Tu fichais quoi encore dehors ? » vlan, rien de plus humiliant que cinq doigts envolés avec une violence certaine contre la joue pâle du gamin. « À cette heure-ci ? » il le traîne, l'étouffe presque en le tenant par le col et cherche son regard; en vain. Chaque fois c'est la même chose, son regard est vide, ses expressions neutres, il ne parle pas. Il entend juste la voix grave et forte de son père lui cogner les tympans, les rires de sa mère probablement en train de se descendre une bouteille d'un alcool au nom bien spécifique dans le salon, devant sa télé. « Réponds ! Réponds-moi quand je te parle ! » il a beau hausser le ton, répéter les gestes, passer des claques aux poings, Maxxie reste inflexible, ravale ses larmes, renifle bruyamment et attend que tout soit fini ... le silence le submerge ... la porte de sa chambre claque, le verrou est scellé, il se recroqueville sur lui-même sur le sol dur, il ferme les yeux, sombre dans un sommeil dont il ne saurait qualifier l'origine. Les coups de son paternel, la course en pleine nuit ou l'adrénaline qui retombait ? Par une larme n'a coulée, ses yeux sont rouges, son nez coule. Mais il s'endort quand même.

Violent, il l'était. Ses coups, rien à voir avec les fessés que vous donnerait votre maman. Je le détestais pour m'affliger ça. J'avais des marques mais au moins, quand je les sentais venir, je savais que la vie ne m'avait pas encore quitté. Je fermais les yeux, le sommeil m'avalait. Je ne sais plus pourquoi ... ma mère avait hurlé à la mort, elle avait jeté ses bouteilles vides par la fenêtre et l'ombre de mon père n'avait plus jamais franchi cette ville. Parti, envolé. Et moi, avec ma mère, tout seul, j'avais l'impression de mourir à petit feu. La regarder se rendre malade, dire que j'étais coupable du départ de papa, dire que je ne valais rien, toutes ces choses, elles me torturaient. Et à la lumière de la Lune, un lundi soir, pendant qu'elle chantait à l'unissons avec le présentateur télé, bouteille en main, j'ai pris les lames de rasoir que papa avait laissées. Aiguisées à la perfection, j'en avais fait des ustensiles de choix; et plus les ruisseaux de sang coulaient au contact de la lame froide, plus je me sentais respirer. Je ne cherchais pas à me tuer, entaillant toujours ma peau dans le sens de la longueur, laissant toujours le liquide rougeâtre couler le long de mon bras puis dans le creux de mes mains.La sensation semblait ternir chaque jour, chaque jour l'entaille était plus profonde ou le couteau plus tranchant. Je me sentais mieux, malgré les cicatrices laissées. Je compensais en mettant des hauts à manches longues, des vestes, des pulls. Au début, la peur était absente. Puis c'est en me rendant compte que ... plus j'avançais, plus je le faisais que je commençais à m'effrayer moi-même; pourquoi ? Mais la question restait en suspens. Le sang quant à lui, coulait.

I was looking for a breath of life a little
touch of heavenly light.

Je faisais clairement pas le poids. Ce gars était légèrement baraqué, caché dans les ténèbres de la nuit. On ne distinguait même pas qu'ils étaient en fait trois dans la pénombre. Pourtant, ce n'était pas la peur qui me rongeait. Je m'inquiétais pour la nuit, je savais qu'il faisait froid en hiver ici, dans ce bled qu'étais Sunnydale. Les bras croisés contre mon torse, j'essayais en vain de paraître plus grand. Je n'avais pas peur. Pas peur de lui. « Tu me dois 500 dollars gamin, ça fait 3 semaines que j'attends après toi. » je ne savais plus ... quand ça avait commencé ce genre d'emprunts. Juste un jour après que ma mère m'ait foutu à la porte; hurlant et braillant que j'avais gâché sa vie. J'avais déjà préparé mon sac et mes fréquentations d'ordinaire peu conseillées se sont avérées m'être d'une utilité certaine ... jusqu'au moment où les personnes viennent réclamer leur dû. « J'l'ai pas ton fric. Demain. » je tournais les talons, un peu trop lentement d'ailleurs puisqu'il me tira par le col du t-shirt. Par réflexe je retournais mon poing dans son visage. C'est à partir de là que deux autres costauds sont sortis de nulle part. J'étais bien, j'aurai dû m'en douter.

Depuis cette fameuse nuit, c'était fréquent. Cette fameuse nuit où la mère de Maxxie a décidé qu'il n'était plus son fils, qu'il devait rester dehors puisqu'il disparaissait, pourquoi revenait-il ? Il avait claqué la porte, ne s'était pas retourné. Puis à quoi bon ? Elle n'était qu'une épave puant l'alcool. Personne ne l'aimait. Pas même les voisins, pas même Maxxie. Et elle le lui rendait bien. Mais cette nuit c'était différent. En quoi ? Non pas dans la façon d'agir, non pas dans la force des coups. Bien évidemment, il a voulu les rendre, les coups. Il a frappé mais il se sentait tout faible à côté de ces armoires à glaces; comme si ses coups rebondissaient sur leur torse et s'enfonçait mollement dans leurs joues. Alors il se faisait amocher; sérieusement amocher. Dans une dernière bousculade, il était jeté contre le sol. Comme quelqu'un se montrait, les trois compères disparaissaient dans l'ombre, laissant Maxxie sur le sol. Il ne gisait pas, il était juste bien blessé. Il avait été prévenu, la prochaine fois, ils lui referaient le portrait. Ça n'avait pas manqué ... Et c'est à cet instant qu'il a fait son apparition. Sans raison apparente puisque Maxxie ne se souvenait pas que quelqu'un ne cherche à l'aider. Il n'avait jamais eu besoin d'aide, il pouvait se débrouiller tout seul. Vérité ou pur élan de fierté abusive ? Un peu des deux, plus de fierté qu'autre chose. Il était là, s'était approché de lui et comme un ange tombé du ciel lui avait demandé « Hé, t'as besoin d'aide ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? ». Tout naturellement, Maxxie ne perdit pas son temps pour répliquer « Casse-toi, j'ai pas besoin de toi. ». Mais tout restait qu'il ne voulait pas se l'admettre mais, il avait besoin de cette aide. Il répondait que non, qu'il se débrouillerait tout seul et pourtant, quelques minutes plus tard il était dans la voiture de cet inconnu. Puis chez lui à se faire soigner.

Maxxie, il avait des dizaines de prénoms. Des vies différentes, des problèmes d'argent, des problèmes pour se nourrir, des problèmes pour se loger. Son prénom, il ne le donnait jamais. Pas le vrai. C'était alors Jake et autres prénoms du type John qu'il se donnait. Il était quand même entré dans la voiture d'un étranger. Avant même de se dire que de son côté, il avait ramené chez lui un parfait inconnu, il se demandait bien pourquoi ce mec l'avait posé dans sa voiture pour lui mettre un coton sur chacune de ses plaies et les lui soigner. Si il n'avait pas dit que ça piquerait, il aurait sortit une avalanche d'injures ? Pourtant il s'était laissé faire presque docilement. S'il ne lui avait pas posé des questions, il n'aurait rien dit. S'il n'avait rien demandé, il se serait tu et serait reparti le plus vite, le plus loin possible. Comme si une telle situation pouvait être aussi simple. Sans vraiment broncher -mais en s'énervant légèrement- il avait répondu. Le plus étonnant, c'est qu'il n'avait pas caché son identité. Comme s'il n'avait soudainement plus rien à craindre, ici, il fait bon vivre alors oui, il s'appelle Maxxie. « Thyméo. Qu'est-ce que tu faisais dehors à cette heure-ci ? » malheureusement, les questions commençaient à devenir trop lourdes pour Maxxie, il préférait de loin s'abstenir, l'envoyer bouler, le laisser sur ses doutes. Et il était parti. Parti pour toujours, à la base. Mais ce fut visiblement un échec.


Vivre dans la rue, ça n'a rien de bien attrayant. Pour s'en sortir, le squattage était nécessaire. Le squatte, c'était une sorte de famille où les membres étaient détachés les uns des autres, tout en restant solidaires. Tout était précaire; les couches, la nourriture et même l'emplacement. À tout moment, le groupe pouvait être forcé de se dissoudre pour fuir les forces de l'ordre. Je n'avais pas d'attache particulière dans ce groupe, j'étais le plus jeune; celui qu'on nommait "l'orphelin". On se sent un peu comme Oliver Twist, puis on se rend compte qu'on vit au jour le jour, sans jamais être sûr de ce qu'il va se passer le lendemain. J'ai pas percuté quand j'ai vu les flics débouler et qu'il a fallu que je me tire rapidement. Ça semblait trop beau mais peut-être qu'il me fallait ça pour me bouger un peu. J'ai donc couru. Au début je ne savais pas où j'allais, je suivais les rues, j'avançais à l'instinct.

Il fallait qu'il trouve un endroit où se poser et ... il errait dans une rue qui ne lui était pas inconnue. Une rue qui lui laissa un goût amer, rouillé dans la bouche. Instinctivement, il passa une main sur sa lèvre comme pour enlever un surplus de sang inexistant. Il releva la tête de ses pieds et recouvrait la mémoire; c'était là que l'avait emmené l'autre inconnue. Il s'appelait même Thyméo. Il s'en rappelait, comme si c'était hier. Maxxie lâcha un soupir agacé, shoota dans un cailloux et d'un mouvement de la tête il renvoya ses boucles en arrière. J'aurai sûrement l'air d'un idiot, il me jettera à la porte, il ne m'ouvrira même pas. Mais après tout. Qu'est ce que j'avais à perdre ? J'étais déjà à la rue, non ? Alors il s'était approché de la porte, le regard presque brillant, l'attitude presque craintive. Au début, il ne faisait que regarder la porte, s'imaginant des scénarios plus dépitants les uns que les autres. Il suffit alors d'un effleurement, d'une simple pression pour que la sonnette ne retentisse et que la porte s'ouvre quelques secondes plus tard. Il n'aurait pas dû revenir ici. Il en devint même nerveux et ne pu s'empêcher de se dire; et pourtant, j'étais revenu presque automatiquement, c'était devenu naturel. Plus une évidence pour lui qu'une peur, il sentait qu'il allait se faire jeter dehors. « Euh … Salut … Thyméo, c’est ça ? » atrocement embarrassé par la situation, une main posée derrière sa tête, le regard fuyant, il s'attendait à ce qu'il lui referme la porte au nez. « Entres. » Maxxie jetait des coups d'oeil autour de lui; il était déjà venu mais ne se rappelait pas vraiment des lieux. Il avait noté que le personnage était doté d'une gentillesse certaine, il avait peur qu'il ne refuse mais finalement ... après avoir franchi le pas de la porte, il se rappelait qu'il l'avait quand même fourré dans sa voiture, ramené chez lui, soigné, sans même connaître son prénom. Dans chacune de ses question Maxxie insistait bien, répétant une fois, puis deux qu'il n'avait nulle part où aller, rajoutant même qu'il était à la rue. Mais ça, c'était facilement devinable. C'était une façon d'éluder cette fameuse question "qu'est ce qu'il t'arrive". Question à laquelle il ne répondrait probablement jamais par; ma mère m'a foutu à la porte il y a de cela presque une demi-année, je dois de l'argent à 5 mecs louches, le squatte où j'avais posé pied vient d'être déniché, j'ai dû fuir, j'suis vraiment dans la merde. « Attends, tu t’as cru que c’était les restos du cœur chez moi !? Je t’aide, t’oses partir sans même me remercier et tu te pointes des mois plus tard en-… » « C’est bon, j’ai compris. Je m’en vais. » et il allait partir, il serait parti et probablement pas revenu cette fois. Quoique la première fois ça avait raté ce plan. Mais dans son dos la voix empreinte d'une certaine pitié lui obligea un arrêt soudain. « C’est bon, ok. Juste pour ce soir. » Une fois de plus je m'étais contenté de lui offrir un sourire penaud, un air attristé, synonyme de "merci". Comme si ce mot m'aurait arraché les dents, écorché la bouche encore plus violemment qu'une droite ou un crochet dans la mâchoire. Il faut dire, il était la seule personne qui me faisait avoir besoin de ce mot, je crois bien ne l'avoir jamais utilisé.

Le temps passait, filant à toute vitesse; Maxxie était bien chez Thyméo. Il ne se l'avouerait probablement jamais, que même s'il partait, il savait que le retour serait imminent. Non, il ne dirait jamais qu'il aimait la chaleur que lui procurait cet endroit, qu'il se sentait aimé, que ce Thyméo le connaissait mieux que sa propre mère ne le connaissait. Il semblait déceler sans même lui poser de questions chaque petite habitude de l'adolescent, le laissant parfois perplexe; il choisissait pour lui et ne se trompait jamais et ce genre de truc, ça le laissait totalement pantois. Ce Thyméo, c'était le genre de personne à avoir le coeur sur la main, un peu trop gentil, Maxxie n'était pas habitué, pas du tout. C'était presque inconscient mais il se servait de cette générosité, le bon samaritain qui aide le cas social en détresse. Il arrivait même à lui arracher un sourire, il n'était même pas embêtant. Bien qu'il partait souvent, pour régler des affaires, pour éloigner des problèmes, il revenait toujours ici. Son état était parfois déplorable, question d'habitude après. Parfois, Maxxie s'enfermait dans la salle de bain pendant des heures, personne ne savait ce qu'il y faisait. Il était tellement précautionneux que jamais une tâche, jamais un indice ne l'avait trahi sur les pratiques auxquelles il s'adonnait; le sang coulait le long de ses bras et la lame traçait des sillons dans sa peau soyeuse, innocemment, en toute impunité. De toute façon, qu'est qu'on pourrait bien lui dire ? Tu t'arrêtes ? Sinon quoi ? Thyméo, il cherchait pas trop à connaître le gamin, il était calme et posé avec lui. Tellement gentil qu'il cédait à chaque regard enfantin. Le pire dans tout ça, c'était que le merci n'avait toujours pas fait don de sa présence, n'ayant jamais franchi la ligne séparant la pensée et les mots. Surtout que, savoir ce à quoi pensait Maxxie, c'était un vrai challenge. On aurait pu lui coller cinq psychologues qu'il serait rester le même garçon baignant dans ses mystères, ses problèmes et surtout sa fierté. Fierté qui n'était pas des moindres. D'ailleurs, un jour, il a reçu un baiser innocent. Frivole et doux, de la part de Thyméo. Sans doute trop entêté pour se rendre à l'évidence; ce baiser lui avait plu, il avait presque crié, un ton à la fois outré et hésitant; « Je ... Je suis pas ... J'suis pas gay ! Désolé ... J'suis pas gay. » et il a disparu une semaine. Revenant plus froid et distant que jamais. Après une cure de bourrage de crâne fait par lui-même; il n'était pas gay, il fallait qu'il se le répète et chaque fois l'image lui revenait en tête, il secouait la tête et frappait dans ce qui se trouvait près de lui. Ça lui trottait dans la tête, ça lui donnait des envies de hurler, mais il était encore et toujours revenu chez lui, chez Thyméo. Par pur besoin, il se persuadait.